Abonnement 4

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samedi 30 mars 2019 , de 17:00

Equilibre Fribourg

Direction: Laurent Gendre
Soliste: Lucienne Renaudin-Vary, trompette

- Joseph Haydn: Ouverture L’isola disabitata
- Jan Krtitel Jirí Neruda : Concerto en mi bémol majeur pour trompette et cordes
- Richard Rogers : My Funny Valentine, arr. David Walter
- Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 55 Eroica


Concert d’abonnement n° 4 « Eroica »
Tarifs: 45.–/40.–/20.–
Billetterie : Fribourg Tourisme et Région 026 350 11 00



Une petite histoire de la trompette (et du cor)

La trompette et le cor sont des instruments dont le fonctionnement est similaire : un corps de résonance, tubulaire et en métal la plupart du temps, permet d’amplifier une vibration créée par les lèvres d’un instrumentiste. Dans l’Antiquité, divers types de trompettes métalliques ont été recensées dans les mondes grecs, romains, celtiques et au Moyen Orient. L’instrument médiéval européen, en métal, long et droit, a peut-être été importé par les Croisades, du moins c’est l’explication traditionnelle. Dès le XVIesiècle, il prend la forme de l’épingle de sûreté qu’on lui connaît aujourd’hui sous le nom de trompette naturelle. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les cours princières et les villes entretiennent des ensembles de trompettes, symbole de puissance et de pouvoir. En 1623, une guilde impériale de trompettes et tambours est créée, dans le but de contrôler le nombre de musiciens et ainsi de s’assurer une exclusivité. L’instrument est bien entendu également présent dans l’univers militaire.

Ces trompettes, sans pistons, jouent ce qu’on appelle les harmoniques naturelles. Des mouvements mélodiques peuvent être exécutés dans le registre aigu de l’instrument, le clarino. C’est au début du XVIIesiècle que des exécutants virtuoses se spécialisent dans ce qui devient un style de jeu, puis un style d’écriture. A cette époque, la trompette est peu à peu introduite dans des ensembles orchestraux. Elle devient également un instrument soliste et plus tard concertant.

Le cor, lui, a toujours été associé à la chasse. L’instrument fait d’ailleurs son apparition dans la musique savante au travers d’ensembles convoqués dans des opéras au XVIIesiècle pour représenter des scènes de chasse. Cette origine restera présente sous forme de connotation lorsqu’il apparaîtra dans d’autres contextes. Le type d’instrument qu’on connait aujourd’hui, enroulé sur lui-même, résulte de l’évolution d’un cor inventé en France vers 1680 et qui a été adopté dans toute l’Europe. A son tour, le cor est introduit dans l’orchestre et devient un instrument soliste. En Allemagne, un fort engouement à son égard se développe dès le début du nouveau siècle. Dresde, en particulier en devient une sorte de centre, et plusieurs virtuoses, dont Anton Joseph Hampel, y sont actifs. La ville bénéficie alors d’une politique active de soutiens aux arts menée par Frédéric-Auguste Ierpuis Frédéric-Auguste II de Saxe. L’orchestre de la cour joue un rôle de premier plan dans ce contexte.

Originaire de Bohème, le violoniste et compositeur Jan K?titel Ji?í (Johann Baptist Georg) Neruda (v. 1711 – 1776) entre au service du comte Friedrich August Rutowski au début des années 1740. Il devient violoniste dans l’orchestre de la cour au tournant de la décennie suivante. Neruda a laissé une centaine d’œuvres, dont beaucoup sont aujourd’hui perdues. Il s’est essentiellement focalisé sur la symphonie, le concerto pour violon et la sonate en trio. Le concerto ici au programme est de fait un concerto pour cor, comme en atteste la mention « corno di caccia » dans une source manuscrite. Il a probablement été écrit pour un des cornistes de Dresde, qui pourrait être Hampel au vu de la partie solistique particulièrement exigeante parce que très aiguë. On ne connait pas sa date de composition, mais, si l’on en juge par des critères stylistiques, il doit appartenir à la seconde moitié de la carrière de Neruda. L’œuvre a été éditée comme concerto pour trompette dans les années 1970.

L’écriture du concerto et son « ton » mezzo carattere(une expression délicate et tempérée) ressortissent au « style galant » tel que l’a pratiqué Johann Adolph Hasse, Hofkapellmeisterà Dresde. Dans le premier et le troisième mouvement, qui déploient des profils mélodiques parfois similaires, le soliste est amené à montrer son agilité, il doit jouer des trilles par exemple. Dans le mouvement central lent, l’accent est mis sur le lyrisme mélodique. Le soliste est appelé à faire chanter son instrument dans un caractère dolce, typique du registre de clarino, et à dialoguer avec les premiers violons de l’orchestre à cordes qui l’accompagne. Les deux premiers mouvements reposent sur un mètre binaire, tandis que le dernier est ternaire, un Vivacevirtuose.

Le cor et la trompette acquièrent au XVIIIeplusieurs fonctions dans l’orchestre lorsqu’ils ne sont pas concertants. Employés le plus souvent par paire, les cors enrichissent la masse sonore des tuttis. Ils peuvent également tenir de longues notes pour assurer un fonds sonore sur lequel d’autres instruments interviennent. Enfin, ils dialoguent avec ces derniers. Les trompettes, elles aussi en paire, sont volontiers associés à quelques tonalités et accroissent de la sorte leur affect exubérant ou « martial ». Associées aux timbales, les trompettes ponctuent le discours par des interventions rythmiques.

Dans sa première version, l’ouverture de l’opéraL’isola disabitatade Joseph Haydn (1732 – 1809) nécessite un orchestre comprenant deux cors. Les instruments sont ici mis à contribution de façon tout à fait habituelle. En revanche, la pièce elle-même sort du lot. D’ailleurs, Haydn lui-même l’a publiée en tête d’un recueil d’ouvertures paru à Vienne en 1782. L’œuvre comprend quatre parties, unLargointroductif en solmineur, un Vivace assaidans la même tonalité, repris de façon abrégée en guise de conclusion, et un Allegrettoternaire contrastant, de fait un menuet, en Solmajeur. Mis à part cette troisième partie, l’ouverture se ressent d’une expression exacerbée des affects, qu’on a coutume de nommer « Sturm und Drang ». Par ailleurs, son début n’est pas sans parenté avec La représentation du chaos de La création. En effet, le mètre est difficilement perceptible, Haydn insère un point d’orgue sur les dernières notes des deux premières phrases et indique « Molto tenuto e perdendosi », et des dissonances innervent la texture orchestrale dès que le motif principal est élaboré.

Cette ouverture prépare parfaitement la première scène de l’opéra dont elle est tirée. Le Vivace assairenvoie à la tempête qui a contraint les personnages à débarquer sur l’île déserte qui donne son titre à l’œuvre. Le Largoévoque le sentiment d’abandon ressenti par Constance lors de la première scène. L’opéra a été écrit en 1779 pour Esterháza, la résidence de la famille du même nom qui emploie le compositeur.

Dans sa Troisième symphonie, Ludwig van Beethoven (1770 – 1827) emploie trois cors, deux trompettes et timbales. Les parties qu’il leur confère brise les codes en vigueur jusque-là. La connaissance solide que Beethoven avait de ces instruments, il a notamment travaillé avec le corniste Giovanni Punto, élève de Hampel, lui aura certainement été d’un grand profit dans cette optique. Un des aspects novateurs de cette symphonie, composée essentiellement en 1803, est la trame narrative abstraite qu’elle comporte. Grâce à des références musicales et extra-musicales, elle figure, mais nous entrons là dans le domaine de l’interprétation, la lutte de l’humanité pour sa réalisation. Dans ce cadre, les connotations véhiculées par les cors et les trompettes jouent à plein. Le premier thème du premier mouvement est finalement scandé entre autre par un cor et les trompettes : il s’agit là d’un appel martial à la lutte. La seconde partie de la Marcia funebre, qui fait office de second mouvement, se conclut par une fanfare en Domajeur qui préfigure la victoire si l’on veut. Cette victoire métaphorique intervient bel et bien, dans le Presto qui conclut le Finale et dont le thème est d’abord articulé par les cors et les bassons. Mais il y a plus, Beethoven mobilise les ressources sonores propres des cors et trompettes pour disloquer le langage musical. Ainsi, par exemple, dans la partie centrale du développement du premier mouvement, une plage sonore de trente-deux mesures fortissimod’une tension et d’une violence extrême se termine par un unisson de deux cors et deux trompettes répété cinq fois ! Nous sommes au cœur de la bataille et le langage musical est devenu vocifération.

Depuis lors, la trompette a bien entendu trouvé sa place dans la musique plus « légère » et le jazz. Elle a également suscité de multiples arrangements de musiques de toute tradition. La version de My Funny Valentineprésentée ici est due à David Walter. Cet arrangement s’inscrit dans la lignée de la chanson originale, qui relève de la comédie musicale de Broadway. Mais il se ressent également de l’atmosphère en demi-teinte, typique du Cool jazz, que Chet Baker et Garry Mulligan ont imposée dans leur reprise de 1952. La chanson est tirée de Babes in Arms, comédie musicale de Richard Rodgers (1902 – 1979, musique) et Lorenz Hart (textes) créée en 1937 au Shubert Theater à New York. Lors du spectacle, elle était interprétée par Mitzi Green, actrice âgée de seize ans.

Adriano Giardina
Université de Fribourg

 

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